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CHRONIQUES ET RESSOURCES





Entraîneur : bénévole ou employé?

Nous publions sur ce site des chroniques vulgarisées qui visent à répondre aux préoccupations juridiques fréquentes des organismes sans but lucratif. Toutefois, l’information contenue dans ces chroniques est de nature générale et ne constitue d’aucune façon une opinion ou un conseil juridique. Pour répondre à vos questions spécifiques, nous vous recommandons de rejoindre nos avocats au (514) 252 3137, qui vous proposeront les solutions les mieux adaptées à votre situation précise et à vos besoins. Le contenu du présent site est protégé par le droit d’auteur et peut être reproduit uniquement dans sa forme intégrale et originale avec mention obligatoire de la source.
 
Par l'équipe du Service juridique du Regroupement Loisir et Sport du Québec et son Centre québécois de services aux associations
 

Dans le cadre des activités de plusieurs clubs sportifs, l’implication de différents bénévoles est nécessaire à leur survie. Pensons tout d’abord aux membres des conseils d’administration ainsi qu’aux bénévoles qui viennent prêter main forte lors de compétitions ou de tournois. Certains clubs retiendront aussi les services de bénévoles à titre d’entraîneurs. Mais est-ce réellement des bénévoles ou ces derniers doivent-ils plutôt être considérés comme des employés desdits clubs?

 

Afin d’éclaircir la situation, vous trouverez ci-dessous les éléments à évaluer afin d’établir la relation qui se crée entre l’entraîneur et le club. Chacune des situations doit être évaluée suivant les faits lui étant propres et établissant la nature de la relation, soit une relation de bénévolat ou une relation d’emploi.

 

La distinction fondamentale entre la relation d’emploi et celle de bénévolat se situe sur le plan de la rémunération de la personne concernée, ici l’entraîneur. Le bénévolat se fait à titre gratuit contrairement à une prestation de travail pour laquelle une rémunération est versée. En effet, le contrat de travail est défini comme suit :

 

2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur.

 

Tel que l’indique l’article 2085 CcQ, la rémunération est l’un des éléments essentiels à l’existence d’un contrat de travail. Il importe donc de regarder ce que nous entendons de la notion de rémunération. À cet effet, nous nous référons au passage suivant de la décision Ndayizeye et Université de Montréal[1] :

 

[96] Tel que le soumet le procureur de l’Université de Montréal, le Dictionnaire de droit québécois et canadien13, définit ainsi la notion de rémunération :

 

Rétribution versée en espèces ou en nature à une personne en contrepartie d’un travail qu’elle a accompli ou d’un service qu’elle a rendu.

 

[97] Tel que le soutiennent les auteurs de l’ouvrage Le droit du travail par ses sources14, la rémunération peut comprendre le salaire direct ou tout autre avantage monétaire.

 

[98] La rémunération est donc une notion plus large que le salaire. Elle a trait à la contrepartie consentie en raison du travail exécuté.

 

[99] La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a affirmé à de nombreuses reprises que la rémunération peut prendre différentes formes et il n’est pas nécessaire qu’elle consiste uniquement en un salaire périodique. Ainsi, furent reconnus à titre de rémunération en contrepartie d’un travail, le remboursement d’une dette15 le paiement d’un loyer16, du carburant17, du bois pour un poêle18, l’utilisation d’une voiture19 et des billets de spectacle20, pour ne nommer que ceux-là.

 

(Nos soulignements, références omises)

 

 

Bien qu’il n’y ait pas de salaire versé à proprement parler, le versement d’un avantage ou de toute autre forme de compensation peut faire en sorte que l’ensemble des conditions de l’article 2085 CcQ soient remplies. Par exemple, un juge de la Cour du Québec, dans une décision opposant un patrouilleur de ski et Revenu Québec a conclu que la passe annuelle consentie aux membres de la famille du patrouilleur constituait un avantage imposable qui devrait être considéré dans son revenu :

 

[15] La preuve offerte par Revenu Québec indique que monsieur Plante, même s'il ne recevait pas un salaire, travaillait sous l'étroite supervision du Massif. Une fois rendu sur place selon un horaire défini à l'avance, il ne pouvait faire ce qu'il voulait. Il s'occupait de diverses tâches précises et agissait sous les ordres d'un superviseur. Il était également établi d'avance qu'il recevrait un billet de saison gratuit en compensation de ses services.

 

[16] Il avait donc toutes les caractéristiques d'un employé et doit être considéré comme tel par le Tribunal a sens de l'article 2085 du Code civil du Québec. Monsieur Plante qui avait le fardeau de le faire, n'a apporté aucune preuve permettant d'établir qu'il pouvait être qualifié de véritable bénévole au sens de la loi.

 

(Nos soulignements)

 

Ce qui ressort de l’extrait ci-dessus cité est que la compensation établie à l’avance par les parties est considérée comme une rémunération, laquelle peut prendre plusieurs formes. Si les parties prévoient dès le départ qu’une compensation monétaire ou un avantage sera versé en échange de la prestation de services, il ne s’agit plus d’un engagement à titre gratuit, l’essence même du bénévolat. Ainsi, il n’y aurait pas de renonciation par l’entraîneur à la rémunération.

 

Les montants qui peuvent être versés aux bénévoles sont uniquement ceux qui visent à rembourser des dépenses. Si la rétribution ainsi établie dépasse le cadre de l’activité exercée par l’entraîneur bénévole, c’est-à-dire les dépenses réelles, le tribunal considérera celle-ci comme une rémunération au sens de l’article 2085 CcQ.

 

Par exemple, il serait acceptable de prévoir le remboursement à un taux raisonnable du kilométrage effectué pour les déplacements requis dans le cadre des compétitions ou de tournois. À titre informatif, le gouvernement du Canada établit que pour 2022, le taux raisonnable pour le remboursement du kilométrage pour des employés, sans l’inclure dans le revenu, est de 0,61$/km[2].

 

Autrement, en l’absence d’un engagement à titre gratuit, la relation entre l’entraîneur et le club en sera une d’emploi. Conséquemment, la qualification de relation d’emploi engendre des obligations pour l’employeur. En effet, en vertu de la Loi sur les normes du travail et du Règlement sur les normes du travail, un salarié doit recevoir un salaire au moins équivalent au salaire minimum, soit 14,25$ de l’heure, et ce, depuis le 1er mai 2022. À défaut d’entente spécifique quant à la rémunération entre un entraîneur et un club, la CNESST établira le taux horaire en fonction du salaire minimum. Qui plus est, le salaire doit être versé à intervalles réguliers ne pouvant dépasser 16 jours.

 

Nous tenons aussi à souligner que la qualification de la relation par les parties ne lie pas les tribunaux lors de la détermination de la nature de la relation. Il convient donc de bien qualifier la relation qui se crée afin d’établir les obligations et les impacts qui découleront de la nature de cette relation pour chacune des parties, notamment sur le plan financier.

 

Finalement, en présence d’une relation de bénévolat, nous souhaitons vous rappeler que les clubs peuvent demander la protection pour les travailleurs bénévoles auprès de la CNESST afin de les protéger en cas d’accident du travail. Cette protection est facultative.

 

 
 

Publication juillet 2022
Dernière révision septembre 2022