CONTRATS DE TRAVAIL À DURÉE DÉTERMINÉE OU INDÉTERMINÉE : QUELQUES MISES EN GARDE
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Par l’équipe du Service juridique du Regroupement Loisir et Sport du Québec et son Centre québécois de services aux associations.
Plusieurs organismes sans but lucratif ont l’habitude de faire signer à certains de leurs employés des contrats de travail à durée déterminée, que l’employeur renouvelle machinalement d’une année à l’autre, souvent verbalement. Il existe toutefois certains enjeux reliés au choix d’un contrat à durée déterminée plutôt qu’à durée indéterminée, ainsi qu’au renouvellement « automatique » des contrats de travail à durée déterminée.
Les contrats de travail à durée indéterminée n’ont pas de date d’échéance prévue par les parties. En vertu du Code civil du Québec (C.c.Q.), l’employeur qui désire mettre fin à un contrat de travail à durée indéterminée doit normalement donner au salarié un délai de congé (préavis) raisonnable. En effet, la Cour suprême du Canada a repris l’ensemble des critères à considérer en cas de résiliation d’un contrat de travail :
Lorsqu'un contrat est à durée indéterminée, les parties peuvent y mettre fin unilatéralement et sans motif sérieux, à condition de donner à l'autre partie un préavis ou délai de congé raisonnable (art. 2091 et 2094 a contrario C.c.Q.).
Le plus souvent, particulièrement lorsque l'employeur met fin au contrat, une indemnité tiendra lieu de préavis de cessation d'emploi. Cette indemnité représentera la rémunération du salarié pour la durée du délai de congé. Pour déterminer la durée de ce délai, le tribunal doit tenir compte des circonstances de chaque cas, de la nature de l'emploi, de la durée du service du salarié, de son âge, ainsi que de la possibilité d'obtenir un poste analogue compte tenu de son expérience, de sa formation et de ses compétences.[1]
(Nos soulignements, références omises)
À l’inverse, les contrats de travail à durée déterminée, comme leur nom l’indique, sont signés pour une période de temps fixe, par exemple, pour une année. Il se peut également que leur échéance soit reliée à la survenance d’un événement précis. Parfois, les employeurs souhaitent faire signer des contrats à durée déterminée à leurs salariés, car cela leur donne l’impression que le salarié sera forcé de rester à l’emploi pour toute la période convenue. D’autres employeurs préfèrent ce type de contrats, car ils croient qu’ils seront complètement libres de laisser partir le salarié à la fin de son contrat, et ce, sans devoir lui verser d’indemnité.
Toutefois, les employeurs oublient parfois que s’ils souhaitent mettre fin au contrat de travail à durée déterminée d’un salarié avant la date prévue de la fin du contrat, ils doivent payer à l’employé le salaire pour le temps restant au contrat, à moins qu’ils ne disposent d’un « motif sérieux »[2].
Or, la jurisprudence est relativement sévère par rapport à ce qui constitue un motif sérieux. Le motif sérieux doit, par exemple, être une faute grave commise par le salarié ou une cause juste et suffisante qui se rapporte à son comportement ou à son défaut d'exécuter le travail. Une situation financière précaire de l’organisme ne pourrait donc pas être considérée comme un motif sérieux. Quelques erreurs de l’employé pourraient également ne pas être suffisantes pour justifier une terminaison de contrat sans préavis. Bien sûr, chaque situation doit être évaluée en fonction de l’ensemble des faits et des circonstances pour déterminer s’il existe un motif sérieux qui justifie de mettre fin prématurément à un contrat de travail, sans offrir de délai de congé raisonnable dans le cas d’un contrat à durée indéterminée ou de versement de la balance prévue au contrat de travail à durée déterminée. Il convient également de souligner que le salarié aura l’obligation de mitiger ses dommages.
Par ailleurs, plusieurs ignorent que le C.c.Q. prévoit que si le salarié continue de travailler durant 5 jours après la fin de son contrat à durée déterminée, sans opposition de l’employeur, son contrat sera reconduit automatiquement pour une durée indéterminée[3]. Cette reconduction ne visera cependant que les conditions essentielles du contrat[4]. Il convient donc aux employeurs qui souhaitent renégocier les contrats à durée déterminée de leurs employés de surveiller les dates d’échéance, afin d’éviter de passer tout droit!
Enfin, une succession ininterrompue de contrats de travail à durée déterminée peut parfois, dans certaines circonstances, transformer la relation de travail en contrat à durée indéterminée, notamment en ce qui concerne l’application des règles relatives à la protection de l'emploi contenues dans diverses lois du travail. En d’autres termes, cela signifie que si l’employeur renouvelle d’année en année le contrat de travail à durée déterminée d’un salarié, et qu’il décide au bout d’un certain temps ne plus reconduire le contrat à l’arrivée du terme, il est possible que le salarié ait droit à un préavis de fin d’emploi, ou affirme qu’il fait l’objet d’un congédiement sans cause juste et suffisante, par exemple[5].
Bref, il convient pour l’employeur d’être vigilant au moment où il négocie le contrat de travail d’un nouvel employé, particulièrement en ce qui concerne sa durée. Si le contrat est à durée déterminée, il serait utile pour l’employeur de mettre un rappel à son agenda quelques semaines avant la date d’échéance, dans le but de rencontrer le salarié avant la fin de son contrat. L’employeur devra également se rappeler qu’un salarié qui cumule les contrats à durée déterminée peut finir par se trouver dans une relation de travail à durée indéterminée avec son employeur, avec les conséquences que cela entraîne en matière de droit du travail.
Publication octobre 2017
Dernière révision septembre 2022
[1] Isidore Garon ltée c. Tremblay, [2006] 1 R.C.S. 27, par. 171-172.
[2] Art. 2094 C.c.Q. Rappelons que la notion de « motif sérieux » s’applique à tout contrat de travail, que ce soit à durée déterminée ou indéterminée.
[3] Art. 2090 C.c.Q.
[4] Traffic Tech inc. c. Kennell, 2016 QCCS 355 (CanLII).
[5] Rappelons que le « congédiement sans cause juste et suffisante » est un recours ouvert aux salariés qui bénéficient de 2 ans de service continu, en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail.