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CHRONIQUES ET RESSOURCES





Le journal de Marie : La fraude en milieu de travail

LE JOURNAL DE MARIE : LA FRAUDE EN MILIEU DE TRAVAIL

 

Nous publions sur ce site des chroniques vulgarisées qui visent à répondre aux préoccupations juridiques fréquentes des organismes sans but lucratif. Toutefois, l’information contenue dans ces chroniques est de nature générale et ne constitue d’aucune façon une opinion ou un conseil juridique. Pour répondre à vos questions spécifiques, nous vous recommandons de rejoindre nos avocats au (514) 252-3137, qui vous proposeront les solutions les mieux adaptées à votre situation précise et à vos besoins.

 

Le contenu du présent site est protégé par le droit d’auteur et peut être reproduit uniquement dans sa forme intégrale et originale avec mention obligatoire de la source.

 

Par l’équipe du Service juridique du Regroupement Loisir et Sport du Québec et son Centre québécois de services aux associations.

 

8 novembre 2016 - Je suis bouleversée… j’ai appris aujourd’hui qu’une employée de notre organisation, qui s’occupe des finances, avait possiblement fraudé notre association pour quelques milliers de dollars…

 

Je savais que notre collègue éprouvait certaines difficultés financières personnelles depuis que son mari avait perdu son emploi, mais jamais je n’aurais cru qu’elle fouillerait dans les coffres de notre association!

 

C’est notre directeur général qui m’a appris la nouvelle ce matin. Il est entré dans mon bureau pour m’annoncer qu’il avait décelé des anomalies dans les comptes de notre association et qu’il la soupçonne fortement, car elle lui a déjà parlé de ses ennuis monétaires et demandé des avances sur sa paie. En plus, c’est principalement elle qui a accès aux comptes. Notre directeur général est scandalisé! Il juge que c’est une grave atteinte à son obligation de loyauté, elle qui est à l’emploi de notre association depuis 5 ans déjà. Il entend la rencontrer en fin d’après-midi pour la congédier sur-le-champ!

 

Avant qu’il ne prenne une décision impulsive, je lui propose toutefoisde téléphoner à un avocat afin d’obtenir quelques conseils sur notre situation.

 

Lorsque certaines allégations de fraude ou de vol d’un employé parviennent aux oreilles de l’employeur, la plus grande prudence s’impose. Un congédiement trop hâtif ou toute autre action entreprise sous le coup de l’émotion pourrait exposer l’organisme à une plainte auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), voire à des poursuites en dommages et intérêts pour atteinte à la réputation, ce qui pourrait s’avérer coûteux.

 

Car si l’employé a des devoirs d’honnêteté et de loyauté[1] à respecter dans le cadre de son travail, il a aussi certains droits[2]. La situation doit donc être prise au sérieux, et il faut intervenir rapidement, mais l’employeur ne peut se permettre de sauter trop vite aux conclusions. Il convient de suivre un processus à la fois rigoureux et respectueux.

 

Si les allégations de fraude semblent crédibles, il faut d’abord procéder à une enquête interne. Cette enquête doit être sérieuse, complète, objective et ne doit surtout pas être bâclée.

 

Nous recommandons normalement de rencontrer en premier lieu la personne qui a dénoncé le cas de fraude et de recueillir son témoignage, ainsi que celui des principaux témoins s’il y en a. Évidemment, l’employé visé devra également être rencontré afin de lui exposer ce qui lui est reproché et de lui donner la possibilité de fournir sa propre version des faits. Cependant, il peut être judicieux d’attendre d’avoir rassemblé un maximum d’éléments de preuve avant d’interroger cet employé, afin d’avoir suffisamment d’informations pour le confronter lors de la rencontre. Si l’employé est syndiqué, la convention collective risque également de prévoir un délai de convocation et la présence du représentant syndical pour cette rencontre.

 

Dans le cadre du processus d’enquête, nous recommandons de prendre les précautions nécessaires afin de préserver une certaine confidentialité du dossier, pour deux raisons principales. D’une part, il faut protéger l’intégrité de l’employé visé, et donc éviter de l’accuser trop vite ou d’ébruiter inutilement des soupçons qui s’avéreraient peut-être non fondés. Par conséquent, nous suggérons de limiter autant que possible les personnes qui seront informées des allégations. D’autre part, préserver la confidentialité du dossier réduira les risques de destruction ou de contamination d’éléments de preuve.

 

Dans certains cas particuliers, il arrive que l’employeur puisse suspendre le salarié pour fins d’enquête[3]. Cette suspension doit toutefois être de courte durée et le salarié est habituellement rémunéré durant cette période. Il est également possible de recourir aux services d’une ressource externe, telle qu’une firme spécialisée en la matière, pour vous assister dans le processus d’enquête.

 

Enfin, si l’enquête révèle des preuves suffisantes de la fraude de l’employé en question, certaines mesures disciplinaires, pouvant aller jusqu’au congédiement, pourront possiblement être imposées. La sanction prise à l’encontre de l’employé fautif dépendra de plusieurs facteurs, par exemple : le dossier disciplinaire antérieur de l’employé, son poste au sein de l’organisme, la gravité de la faute, le caractère prémédité du geste, la répétition de l’acte ou son étalement dans le temps, le contexte, la collaboration de l’employé et son comportement, la présence de remords sincères, les usages et politiques au sein de l’organisme, etc.

 

Bien que l’employeur perçoive souvent la fraude ou le vol d’un employé comme l’ultime trahison, il convient de souligner que la jurisprudence ne considère pas que tous les cas de fraude ou de vol méritent forcément un congédiement.

 

Par ailleurs, si l’employeur juge qu’un employé a effectivement fraudé l’organisation, il peut également déposer une plainte auprès des autorités policières, car l’employé pourrait également être accusé de fraude au niveau criminel et pénal.

 

Bien entendu, si un cas de fraude présumée survient au sein de votre organisme, nous vous conseillons, avant d’entamer toute démarche, de consulter un professionnel qui saura vous guider quant à la stratégie et aux mesures à adopter selon les circonstances et les faits entourant votre situation particulière.

 

Nous rappelons qu’étant donné les répercussions importantes que peuvent engendrer des cas ou des allégations de fraude, tant pour l’employé visé que pour l’organisme, l’assistance de professionnels qualifiés en ressources humaines et en droit du travail est hautement recommandée.

 

 

Publication novembre 2016

Dernière révision octobre 2022

 



[1] Code civil du Québec, art. 2088.

[2] L’employé a droit au respect de sa vie privée et de sa réputation, Code civil du Québec, art. 3, 35 et 36; Charte des droits et libertés de la personne, art. 4 et 5.

[3] Une telle suspension pour fins d’enquête peut être possible si l’employeur a un doute raisonnable contre l’employé et que cette suspension est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l’organisme.