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Par Roméo Malenfant, Ph. D.
Dans les deux articles précédents, nous avons d’abord abordé le fait que les bénévoles s’impliquent dans l’action à partir de circonstances particulières. Nous avons ensuite abordé la théorie du don de Marcel Mauss qui développe les trois obligations liées à un don. Nous allons maintenant voir comment cette théorie s’applique concrètement au bénévolat.
Le bénévolat est un don que l'on fait au bénéficiaire du don, que ce soit la communauté en général, une organisation spécifique ou un bénéficiaire particulier.
C'est probablement à cause des trois obligations liées au don que les dames patronnesses, qui allaient faire « leur » bénévolat auprès de « leurs » pauvres, ont acquis une si mauvaise réputation. La relation entre le récipiendaire, démuni, et la donatrice, bien pourvue, était d’une certaine façon perçue comme dégradante et donc de moins en moins souhaitable. La seule avenue de rendre le don de la part du bénéficiaire était la reconnaissance.
Mais c'est également, croyons-nous, grâce à ces obligations que les associations jouent de plus en plus un grand rôle dans la société en servant d'intermédiaires entre le bénévole qui donne à l'association, et non plus à une personne directement, et un bénéficiaire qui ne sollicite pas directement un autre individu, un donateur, mais bien l'association. Ainsi, un transfert se fait en regard de l'association des trois obligations et cela permet une plus grande justice sociale, en évitant le sentiment de dépendance du bénéficiaire envers le donateur.
Mais revenons à la motivation des bénévoles. Grâce à la théorie de Mauss, nous possédons un cadre d'analyse nous dirigeant vers la découverte de bénéfices retirés de l'action bénévole de nos présidents sous étude. Et là, chacun y va de ses bénéfices « non recherchés » activement.
Par ailleurs, aucun de ces bénéfices ne semblait commun à tous les présidents.
Mais poursuivons notre analyse.
Les bénéfices identifiés jusqu'à présent étaient des bénéfices reconnus explicitement.
Attardons-nous alors aux bénéfices qui étaient perceptibles dans les entrevues, mais de façon « implicites » seulement. Nous pouvons alors dégager de la conversation qu'un bénéfice avait été retiré par TOUS les présidents sans que ce bénéfice soit pleinement conscientisé.
Ce bénéfice commun, c'est l'estime de soi.
L'estime de soi, c'est un sentiment que l'image que l'on se fait de soi-même est reflétée adéquatement par le milieu de sorte que, effectivement, on a l'impression que l'on est aussi aimé que l'on pense qu'on l'est. C'est un peu comme si l'on regardait le miroir et que le miroir, représenté par le milieu du bénévolat, répondait que oui, on est aussi beau « intérieurement » que l'on pense que l'on est.
Nous pouvons donc conclure en disant que la motivation profonde des bénévoles est la recherche de l'estime de soi.
Cette conclusion est intéressante en ce qu'elle permet d'expliquer à la fois le comportement des bénévoles qui changent d'association chaque année et à la fois le comportement des bénévoles qui restent dans la même association pendant 20 et 30 ans.
C'est que, pour les uns, l'association en question n'offre pas justement ce reflet de contentement, ce sentiment de se réaliser adéquatement; et donc, on cherche ailleurs. Alors que pour les autres, l'association en question permet une croissance intérieure qui correspond exactement à ce qui est nécessaire au bénévole pour cheminer sur la voie de sa réalisation personnelle.
Ainsi, il y a à la fois une motivation qui est égoïste, et en même temps altruiste. En effet, la motivation de la recherche de l'estime de soi est égoïste en ce sens qu'elle permet à la personne bénévole elle-même de progresser vers un plus grand bonheur. Mais cette motivation est aussi altruiste parce qu'elle ne peut pas se réaliser sans l'autre, sans que la personne bénévole soit préoccupée aussi de l'autre, que l'autre soit personnifié par un bénéficiaire, une communauté ou un groupe.
Pour paraphraser une vieille promotion de campagne de collecte de fonds, c'est à CENTRAIDER QUE L'ON SE FAIT DU BIEN.
Pour en savoir davantage, nous vous invitons à communiquer avec nous ou vous référez au livre La Gouvernance et le Conseil d’administration et au Guide no 5 : Les administrateurs, tous 2 de Roméo Malenfant, Ph.D, publiés aux Éditions D.P.R.M. Vous pouvez commander ces guides à la Boutique en ligne du RLSQ/CQSA
Publication avril 2015