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CHRONIQUES ET RESSOURCES





La motivation des présidents d'association bénévole | Partie 2

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Par Roméo Malenfant, Ph. D.


Dans un article précédent, nous avons abordé un certain nombre d’événements ou de situations qui incitent les bénévoles à s’impliquer. Nous terminions en nous demandant si ces événements étaient bien de vraies motivations.


Notre réponse est non.


Ces situations ne sont, selon notre propre étude, que des « similimotivations », des éléments de vie qui ont amené des personnes à s'engager dans l'action bénévole. Ce que nous appellerons des « appâts ».


Notre recherche, qui consistait à découvrir les motivations véritables des présidents d'associations charitables, a pris la situation sous un angle rarement utilisé dans le bénévolat lorsqu'on fait référence aux motivations.


Après avoir interrogé en entrevue un certain nombre de présidents d'associations charitables, nous nous sommes rendu compte que très peu d'entre eux admettaient avoir eu une ou des motivations pour commencer à faire du bénévolat. Ils ne se sont pas impliqués dans le bénévolat avec l'idée précise d'aller chercher quelque chose de particulier.


Tous les présidents affirmaient et démontraient qu'ils ont accepté de faire du bénévolat suite à des circonstances particulières.


  • Pour une, c'était parce que cela « faisait bien » en regard de la profession de son mari;


  • Pour un autre, c'était une question de classe sociale: son grand-père en avait fait, son père en avait fait, sa mère en avait fait, et ceux de son entourage en faisaient. Il était impensable de ne pas en faire;


  • Pour un autre, c'était son patron qui lui avait dit d'aller en faire précisément dans une organisation, et 20 ans plus tard, il est encore dans la même organisation;


  • Pour un autre, c'était le hasard d'une lutte de pouvoir où le candidat du compromis était lui; on a fait pression sur lui pour qu'il accepte et finalement il y était encore;


  • Pour un autre, cela faisait partie de son emploi; en fait, il faisait du bénévolat, mais ne voulait pas l'admettre jusqu'au jour où il a dû reconnaître que non seulement il faisait du bénévolat, mais également qu'il en faisait effectivement la promotion.


Ces présidents n'avaient donc pas de motivation, au sens de rechercher activement un avantage, un but particulier ou un intérêt quelconque, à faire du bénévolat.


Cependant, chacun admettait avoir retiré quelque chose du bénévolat. Notre recherche a donc été de découvrir ce qu'ils en avaient retiré et de découvrir si une motivation particulière n'était pas finalement derrière ces bénéfices.


Nous nous sommes alors inspiré de la théorie de Marcel Mauss, intitulée « essai sur le don » qui datait de 1925. Mauss a beaucoup étudié les civilisations d'Amérique, des Indes, de l'Australie en plus de faire des comparaisons avec les civilisations occidentales imprégnées de l'esprit chrétien.


À partir de ces observations, il a construit une théorie qui portait sur le don. Selon lui, dans tout don, il y a trois obligations. Autrement dit, lorsque quelqu'un fait un cadeau à une autre personne, il y a trois phénomènes qui y sont liés.


La première obligation est l'obligation de donner qui vient soit de la richesse de la personne, soit du statut social de cette personne, soit d'événements antérieurs, tels qu'avoir reçu un cadeau en retour d’un cadeau déjà fait à cette personne. Le fait est qu'il y a un fort sentiment que le cadeau doit être fait sous peine de passer pour radin, d’être « cheap ».


La seconde obligation est celle d'accepter le don fait, d'accepter le cadeau qui nous est donné. En effet, essayez d'imaginer l'insulte que vous feriez à une personne s'il vous prenait l'envie de refuser un cadeau. Seul le désir, justement, d'insulter l'autre personne peut justifier un tel refus. Mais alors, il faut être capable de vivre avec l'insulte faite.


Finalement, une troisième obligation découle du don: l'obligation de rendre le cadeau reçu. Pas trop vite, cependant, parce que cela serait perçu comme voulant tirer bénéfice du devoir de rendre. Il ne faut pas aussi que cela soit un cadeau « pareil ». Cela pourrait sembler que l'on redonne le même cadeau, sans avoir pris la peine d'en rechercher un autre. En fait, il faut attendre un certain temps, une circonstance favorable, pour rendre le cadeau reçu, et pour respecter les formes, il faut rendre un cadeau un peu plus beau, un peu plus dispendieux, que celui reçu. Sinon, un sentiment d'infériorité va se dégager. La personne aura l'impression d'être encore en dette envers son « généreux » donateur.


Mauss complète sa théorie en disant qu'il n'y a pas de don qui soit fait sans qu'il y ait un bénéfice direct ou indirect qui soit recherché.


Lorsque le chef X faisait un cadeau au chef Y de la tribu voisine, il voulait se montrer magnanime, puissant, mais également il désirait obliger l'autre à lui, donc acheter en quelque sorte la paix, du moins pour un temps.


Le même phénomène se reproduit aujourd'hui.


Lorsque je fais un cadeau à quelqu'un, c'est d'abord pour démontrer que j’ai les moyens de faire un cadeau; c'est ensuite un gage que cette personne me sera redevable puisqu'elle ne peut pas refuser mon cadeau. C'est donc attendre d'elle qu'elle me rende d'une façon quelconque ce cadeau, sans quoi je considérerai qu'elle est en dette envers moi. Peut-être que cela n'est pas entièrement conscient, mais le phénomène existe bel et bien.


Sans vous demander de dévoiler à haute voix vos réflexions, pensez à une situation ou une autre où vous avez fait ou vous avez reçu un cadeau et analysez votre sentiment.


Cette théorie s'applique magnifiquement bien au bénévolat. C’est ce que nous verrons dans le prochain numéro.


Pour en savoir davantage, nous vous invitons à communiquer avec nous ou vous référez au livre La Gouvernance et le Conseil d’administration et au Guide no. 5 : Les administrateurs, tous 2 de Roméo Malenfant, Ph.D, publiés aux Éditions D.P.R.M. Vous pouvez commander ces guides à la Boutique en ligne du RLSQ/CQSA

 

 Publication février 2015

 

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