3- Les motivations secrètes
Les administrateurs ont également des motivations que nous qualifions de secrètes. Ces motivations sont, d’une part, plus ou moins conscientes et, d’autre part, certainement moins avouables que les précédentes. De nombreux individus ont peu ou pas conscience de leur propre motivation à leur implication bénévole. Ils s’en tiennent à un discours politiquement correct et ne cherchent pas à mieux se connaître sur cet aspect. Il y en a d’autres qui savent ce qui les motive, ils n’iront sûrement pas le crier sur les toits. Ces motivations sont souvent égoïstes, égocentriques.
Dans les années 80, un important organisme de charité américain a utilisé un slogan qui a rendu plus acceptable la motivation égocentrique. Ce slogan « What’s in it for me? » (Qu’est-ce que je vais en retirer?), reconnaissait que toute motivation pouvait être honorable dans la mesure où les communautés, les autres et les organisations en retiraient également certains avantages. Avant cette époque, le bénévolat était perçu comme un acte gratuit, totalement désintéressé et purement altruiste. Il est maintenant acceptable de dire que notre bénévolat nous a rapporté des choses, que ce soit des enseignements, un bien-être personnel, un réseau de contacts, etc.
Par contre, il demeure qu’un certain nombre de motivations secrètes n’ont pas encore obtenu leur lettre de noblesse, et ne les obtiendront probablement jamais. Mentionnons en quelques-unes :
• L’acquisition d’un statut social important dans la communauté;
• Le sentiment de culpabilité que l’on ressent pour une quelconque raison et que l’on veut apaiser;
• Le désir profond de vouloir changer la société;
• Les avantages sociaux liés à l’action bénévole que sont les voyages payés, les congrès, les restaurants, et dans certains cas, les jetons de présence;
• La recherche du pouvoir est en soi une des plus grandes motivations.
Ces motivations ne sont pas nécessairement nuisibles. Elles ne deviendront condamnables que si la recherche du bénéfice personnel prédomine sur la recherche du bien collectif. Lorsque les décisions ou interventions d’un individu ne visent que son bien-être personnel, lorsque les interventions sont constamment égocentriques et que la personne en oublie la clientèle de l’organisation, il y a effectivement un problème.
4- La motivation profonde
La recherche doctorale de M. Malenfant lui a permis de découvrir qu’il y a une seule véritable motivation profonde pour tous les bénévoles. Elle se dégage des actes que la personne réalise tout au long de son implication bénévole. Cette motivation est la recherche de l’estime de soi.
L’estime de soi est le sentiment qui dégage de l’écart perçu entre le moi idéal, forgé à partir de l’éducation et de l’expérience personnelle d’un individu, et le moi connu, c’est-à-dire ce que la personne connaît d’elle-même à travers sa propre analyse et à partir du reflet que lui donnent les autres par rapport à ce moi. Plus cet écart sera grand, plus l’estime de soi sera faible; et inversement, plus l’écart entre le moi idéal et le moi connu sera petit, plus l’estime de soi sera grande.
Selon la pyramide des besoins de Maslow (1) , le besoin d’estime de soi constitue la quatrième étape du développement humain, juste avant le besoin d’autoactualisation, la motivation suprême pour tout être humain. Le besoin d’estime de soi, selon Maslow, « comprend deux aspects : premièrement, le désir de force, d’accomplissement, de compétence, de confiance, le besoin d’indépendance et de liberté, et ce, en regard du monde extérieur et intérieur; deuxièmement le désir de se créer une réputation, d’obtenir du prestige (défini comme le respect ou l’estime provenant des autres), désir de statut, de domination, de reconnaissance, d’attention, d’importance et d’appréciation.
Le deuxième élément de l’estime de soi provient, pour les personnes qui s’impliquent dans les associations, tout particulièrement les administrateurs, de leur action bénévole et de la reconnaissance qu’ils en retirent. Le bénévolat devient alors un élément motivateur extrêmement puissant puisqu’il mène directement à l’accomplissement du besoin suprême de tout individu, l’autoactualisation qui est définie comme « le besoin d’être de plus en plus intégré, ou de ressentir un sentiment d’accomplissement, de réalisation personnelle ».
Le premier aspect de la définition de l’estime de soi est également observable dans le bénévolat. Ce dernier procure souvent un sentiment de force, met en évidence la compétence personnelle, permet de se bâtir une confiance en soi; il procure une indépendance personnelle et un sentiment de liberté, le tout dans un contexte non rémunéré et volontaire. Le développement de l’estime de soi trouve ainsi un terrain fertile dans le milieu du bénévolat. Mais ce n’est pas le seul milieu qui procure ces avantages. Cela explique pourquoi, entre autres, tout le monde ne fait pas de bénévolat. Beaucoup de gens trouvent leur accomplissement dans leur vie familiale, d’autres dans leur milieu de travail. D’autres dans le bénévolat non organisé, auprès de leur famille immédiate ou éloignée.
Toute personne aspire à ce niveau d’actualisation et le bénévolat constitue un moyen parmi d’autres pour y parvenir. Dans la mesure où la recherche de l’estime de soi est vécue comme un cheminement vers l’accomplissement de l’autoactualisation, elle acquiert une force motivationnelle puissante.
Nous pouvons donc formuler l’hypothèse qu’il n’y a pas de bénévolat qui soit purement altruiste. Tout bénévolat est profondément égoïste et n’existerait probablement pas sans cet aspect d’apport au développement de l’estime de soi. Or, toute action bénévole est également justifiable par des raisons altruistes. C’est la jonction de ces deux éléments, égoïsme et altruisme, qui font que le bénévolat existe et que la société et les communautés peuvent profiter de cet apport humain du travail non rémunéré.
Que tirer comme conclusion? La connaissance des motivations des administrateurs, tout particulièrement la recherche de l’estime de soi, devrait sensibiliser les gestionnaires à l’importance d’un système de reconnaissance qui met en évidence, sans jamais le mentionner, ce désir presque inné. Un système de rétroaction pour tous les bénévoles selon une échelle reflétant bien le niveau d’implication et le temps d’engagement de chacun. Ce qu’ils recherchent c’est justement d’être différents, c’est d’être traités comme un être unique, c’est de se démarquer des autres. Une association qui a compris ce principe sait « récompenser » adéquatement ses bénévoles. C’est aussi un des meilleurs moyens de recruter de nouveaux bénévoles. En effet, les bénévoles potentiels voient comment les bénévoles actuels sont traités dans une organisation particulière. Si ceux-ci sont perçus comme étant bien traités, si ceux-ci sont heureux de leur implication, ils propageront la bonne nouvelle. Ils deviendront les ambassadeurs de l’organisation. Ils deviendront les meilleurs outils de recrutement qui puissent exister.
D’autre part, quand vous recrutez des bénévoles « administrateurs » pourquoi ne pas faire témoigner, lors de votre Assemblée générale annuelle les administrateurs qui quittent leur siège? Ce que leur implication leur a apporté, humainement et professionnellement. Le bonheur de donner et celui de recevoir.
BRAVO ET MERCI À TOUS LES BÉNÉVOLES VOTRE APPORT EST IMPORTANT.
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(1) MASLOW, Abraham H. (1954) Motivation and Personality. New-York, Harper & Row. 412 p.
Publication septembre 2014