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CHRONIQUES ET RESSOURCES





Savoir perdre son temps : une manière d'apprendre à en gagner !

Par Roméo Malenfant, Ph.D.

 

Chaque minute qui passe nous voit envahis par un SMS, un courriel ou un tweet. Nous en sommes rendus que  nous éprouvons un malaise si, après avoir envoyé un SMS, nous ne recevons pas une réponse dans les 2 ou 3 minutes qui suivent. Je lisais récemment dans La Presse qu’un professeur en communication a imposé à ses étudiants de cesser toute communication par les réseaux sociaux pendant 10 jours. Le résultat fut foudroyant : certains étudiants ont perdu leur amie de cœur, d’autres se sont fait détester, mais surtout, ce qui est à retenir, les étudiants ont réalisé à quel point ils étaient rendus esclaves de leur gadget électronique. Cela n’est qu’un exemple. De manière générale, chaque heure, chaque jour, nous sommes bousculés par des impératifs. Existe-t-il à l’heure actuelle le moindre agenda dans lequel on pourrait inscrire des choses dans une colonne qui s’intitulerait, par exemple, « Temps mort » ?  Y a-t-il des « temps morts » dans votre horaire d’une journée ?  Pas beaucoup, j’en suis à peu près certain ! Même au volant, nous ressentons, au moindre bruit de notre téléphone intelligent, le besoin de savoir qui nous interpelle. Nous ne nous donnons plus de pause pour être seuls avec nous-mêmes et nous détendre un peu.

 

 

Qu’est-ce qui nous fait ainsi courir ?  Est-ce la peur de se retrouver isolé, d’être seul avec soi-même ? Peut-être le calme et le silence nous effrayent-ils plus que nous ne voulions l’admettre en fin de compte ?

 

Lorsque nous voyons autour de nous des gens qui prennent le temps de rire, de faire une blague, de « pauser » (c’est-à-dire de prendre une pause), souvent, nous en concevons de l’irritation.  « Il y tant à faire et pourtant, il n’a pas l’air de s’en rendre compte !  Il me semble qu’il pourrait mieux utiliser son temps qu’en le perdant ainsi ! »  Voilà ce que notre envie nous porte à dire. 

 

En effet, ne nous leurrons pas : nous envions vraiment ces gens qui semblent littéralement « flotter » au-dessus des problèmes, des situations stressantes, des imprévus.  Nous envions leur recul par rapport aux événements, leur capacité à prendre les choses avec un grain de sel, leur calme teinté d’humour.  Nous n’avons qu’une envie, celle de les entraîner dans notre tourbillon infernal afin qu’eux aussi connaissent la pression, la tension, le stress.  Nous aimerions que, comme nous, ils sentent les fins courants électriques qui nous parcourent le corps, les tensions qui nous coincent le cou et finissent par monter jusqu’au sommet du crâne, les tremblements intérieurs qui nous agitent et nous font transpirer, le cœur qui s’emballe et bat à tout rompre, la fatigue qui nous étreint.

 

En tant que directeur général, vous devez être capable de prendre du recul. Or, le recul ne se conçoit que dans votre capacité à faire des pauses dans le tourbillon des événements quotidiens.

 

Une pause peut prendre diverses formes :  une heure complète à dîner, seul, le téléphone éteint; une quinzaine de minutes pour la marche, la méditation ou un peu de lecture;  une dizaine de minutes de détente et de respirations, entre deux travaux urgents à remettre;  une musique douce accompagnant le long trajet de retour en auto jusqu’à la maison, coincé entre les embouteillages et les ponts bloqués, alors que l’esprit peut enfin rouler à la même vitesse que la circulation sans se presser ou se sentir bousculé;  une quinzaine de minutes consacrées à respirer les fleurs du jardin ou à faire une petite balade à pieds avant d’entreprendre les préparatifs du souper.  Un simple petit moment de plaisir accordé avant chaque corvée peut faire toute la différence en terme d’énergie renouvelée, de motivation et d’accomplissement d’un meilleur travail.  Ce qui semble des « temps morts » permet à l’esprit de suivre des chemins qu’il ne peut prendre dans l’excitation de l’action. C’est durant de tels moments « neutres » que, dans ma carrière de directeur général, j’ai eu les meilleures idées de faire progresser mon organisme et … vu venir les embûches qui se pointaient à l’horizon.

 

Essayons donc de considérer plutôt un « temps mort » comme un « time out » dans le sport : un moment d’arrêt pour respirer à fond lors d’une situation difficile.  Peut-être finirons-nous alors par mieux en apprécier toute la douceur et la richesse, puisqu’il sera synonyme d’apaisement, de ressourcement, de paix, d’abandon et d’un meilleur raccordement entre notre cœur et notre tête.

 

Nous avons tous besoin, à un moment donné, de prendre du recul par rapport à la vie effrénée du quotidien. C’est une des rares façons de voir venir les pièges, mais aussi les opportunités, qui jalonnent notre chemin. Faire « une pause », c’est se donner le temps de réfléchir, de garder un regard serein sur nos activités. Ainsi, faire « une pause » n’est plus perdre son temps, mais bien en gagner.

 

Pour en savoir davantage sur les dangers qui guettent le directeur général, nous vous invitons référer au Guide no 9 : le directeur général en péril, publié aux Éditions D.P.R.M. Pour commander ce guide, visitez la Boutique en ligne.

 

Publication novembre 2013