La « dangereuse » profession de directeur général
Par Roméo Malenfant, Ph.D.
« RECYC-QUÉBEC – Le ministre Blanchet veut la tête de la PDG » pouvions-nous lire à la page 14 du Journal de Québec, samedi le 22 juin 2013.
La profession de directeur général est en est une qui comporte un certain nombre de danger. Quand ce n’est pas une influence externe comme dans le cas de la nouvelle du Journal de Québec, c’est de l’interne que provient la menace. Un conseil d’administration qui vit des frustrations et se défoule sur le directeur général, un président du Conseil qui se cherche un nouveau défi et qui aimerait bien remplacer ce directeur général qui prend beaucoup de place, un employé insatisfait qui voit la plainte comme une planche de salut, tout peut arriver à un directeur général.
Ce risque est d’autant plus grand qu’il est seul. Il n’a personne dans l’organisation sur laquelle il peut se fier. S’il confie ses angoisses à son président ou à un administrateur, il risque de se faire voir comme une personne tourmentée et possiblement instable. Il ne peut non plus discuter ses doutes ou inquiétudes à un de ses subordonnés sous peine de paraître faible. De plus, il perd ainsi de son autorité et serait en position difficile pour réprimander éventuellement.
Évoluant à tout instant sur une corde raide, surplombant constamment un précipice, le directeur général fait souvent face au harcèlement plus ou moins subtil de diverses parties prenantes de son organisation.
L’envie, lorsque nous analysons le phénomène, est souvent la motivation cachée des harceleurs. On convoite le pouvoir du directeur général, on envie son salaire, on échafaude des scénarios pour diminuer son influence, on scrute ses actions pour le prendre en faute, toujours en pensant que l’on pourrait faire mieux que lui.
L’envie est ce sentiment de convoitise à la vue du bonheur, des avantages d’autrui. Kets de Vries, un professeur de INSEAD en France, donne quatre (4) composantes de l’envie dans un excellent article :
1- le désir de rivalité. Ce premier degré est le seul aspect de l’envie qui est positif. Il permet de se comparer sainement à d’autres et devient ainsi un élément motivateur à l’amélioration personnelle.
2- l’impression d’un manque découlant d’un sentiment d’infériorité. Ce deuxième degré est vécu plutôt passivement, tout en rongeant de l’intérieur une personne ainsi envieuse.
3- un désir ardent de posséder l’objet désiré. Ici, une force active pousse à commettre des actes visant à déprécier l’objet de l’envie et ainsi pouvoir prendre sa place.
4- finalement, ce quatrième degré est constitué d’un sentiment de colère envers la personne possédant l’objet désiré. Ce stade est nettement néfaste. La colère se manifeste souvent par des comportements plus ou moins subtils visant la personne enviée dans une recherche de sa destruction.
Pour en savoir plus, je vous invite à lire le nouveau guide pratique que je viens de publier et disponible à la boutique du CQSA. J’y décris entre autres, 7 situations réelles dans lesquelles le directeur général éprouve de sérieuses difficultés. Une conclusion décrit les signes avant-coureurs, ou signaux d’alarme, des dangers qui s’en viennent et suggère une série de mesures préventives.
(1) Kets de Vries, Manfred F.R. (1988). The Motivating Role of Envy : A Forgotten Factor in Management Theory, in Administration and Society, May 1992, Vol 24, no1, pp 41-60.
Publication septembre 2013