Par Monique Dansereau, caé, Vice-présidente & Consultante en gouvernance, Accréditée en Gouvernance Stratégique® Société de conseil OSBL PLUS inc.Dans son livre « La corporation sans but lucratif au Québec », Me Paul Martel souligne que « les membres n’ont généralement pas le pouvoir d’élire les dirigeants de la corporation, ce soin incombant au conseil d’administration, mais les règlements peuvent leur conférer un tel pouvoir ». Il ne recommande cependant pas cette procédure car il considère que les administrateurs ont besoin de tous leurs pouvoirs sur les dirigeants pour assumer pleinement leurs devoirs.
Selon le principe qui veut que celui qui nomme est celui qui destitue, si les membres en assemblée générale élisent leurs dirigeants, il faudrait une assemblée générale extraordinaire pour destituer un dirigeant ou pour le remplacer en cas de démission, ce qui est onéreux en temps et en argent et n’est pas tellement pratique.
Cependant, stipule Martel, il faut absolument que les règlements précisent le pouvoir des membres d’élire les dirigeants, sinon, ceci revient au Conseil d’administration. Or, comme c’est le Conseil d’administration qui a le pouvoir de modifier les règlements, quitte à les faire ratifier par les membres en assemblée générale, les administrateurs seraient bien avisés de s’assurer que ce sont les administrateurs, et non les membres, qui élisent les dirigeants à leur poste.
Pourquoi ? D’abord, parce que le bon fonctionnement de l’organisation dépend directement de la bonne entente entre les dirigeants et de la chimie nécessaire à la formation d’une bonne équipe ; ensuite, parce que l’élection des dirigeants est l’un des devoirs importants du Conseil d’administration.
De plus, comme il peut y avoir des opinions divergentes entre les membres d’un Conseil d’administration et ses dirigeants, le président peut exercer un certain pouvoir sur les orientations de l’organisation, spécialement dans leur définition et leur mise en œuvre. Or, si ce sont tous les membres qui élisent les dirigeants, d’une part, certains de ces dirigeants peuvent ne pas être en accord avec les autres administrateurs et bloquer ainsi des progrès nécessaires. D’autre part, les personnes élues dirigeants par les membres en assemblée n’ont peut-être pas les connaissances et les compétences nécessaires pour jouer adéquatement leur rôle. Ainsi, ce n’est qu’après une évaluation de la contribution de chaque administrateur que le Conseil peut être en mesure de constater les forces complémentaires des administrateurs et leur capacité de fonctionner en équipe et ainsi, élire les personnes considérées comme ayant les compétences nécessaires pour occuper ces fonctions, informations que les membres ne possèdent pas pour faire un tel choix judicieux.
De plus, des assemblées générales « organisées » par certains sous-groupes existent vraiment, ce qui peut porter parfois un coup fatal à la viabilité d’une organisation. Ces sous-groupes peuvent vouloir obtenir le pouvoir complet de l’organisation en visant la présidence. Enfin, ces sous-groupes peuvent avoir une influence « néfaste » pour l’ensemble de l’organisation mais déterminante dans l’élection des dirigeants. À défaut de pouvoir prendre le contrôle de tout le Conseil d’administration par des élections aux postes d’administrateurs, ils peuvent le prendre par un autre moyen : celui des dirigeants.
Un autre argument à l’encontre de l’élection des dirigeants par les membres en assemblée générale est l’utilisation de l’émotivité. Les candidats en élection ont généralement le droit de faire leur « petit discours » avant l’élection et ils peuvent jouer habilement (pour ceux qui en sont capables) sur l’émotivité des membres (en leur promettant par exemple des avantages ou des changements populaires et même démagogiques s’ils sont élus), de sorte que la véritable démocratie est souvent déviée de ses objectifs du mieux-être de toute l’organisation au profit d’une minorité (celle qui est venue à l’assemblée générale).
Il est donc préférable en tout temps de laisser le soin aux administrateurs de désigner leurs « leaders » pour l’année à venir. L’organisation et les membres, à moyen et long termes, y seront tous deux gagnants.