Quand nous demandons aux administrateurs lors de nos sessions de formation de se présenter, ils le font généralement en spécifiant qu’ils sont représentants. « Je représente tel milieu, tel territoire, telle expertise, etc. ». Ils sentent également qu’ils doivent rendre des comptes, après les réunions du Conseil d’administration, aux instances dont ils sont issus.
Comment différencier le rôle de « représentant » de celui d’« administrateur »?
L’administrateur La fonction d’administrateur sur un Conseil d’administration d’un organisme sans but lucratif est un honneur que de nombreux Québécois et Canadiens partagent. Les études ont démontré que plus de 40% de tous les bénévoles au Canada exercent une fonction d’administrateur (1).
Avant de débuter, mentionnons cependant quelques règles importantes (2). La charge d’administrateur est strictement personnelle. Elle n’est pas sujette à délégation, ce qui veut dire qu’il n’est pas question qu’un administrateur ait, par exemple, un substitut et que ce substitut remplace l’administrateur qui n’est pas disponible. La fonction d’administrateur est strictement personnelle parce qu’elle comporte de grandes responsabilités et que, légalement, une personne est imputable à la fois de ses actes et de ses décisions, mais aussi, solidairement, des actes et des décisions de ses collègues administrateurs.
Parmi les habilités recherchées le membre du Conseil d’administration (3), doit :
- être capable d’avoir des opinions et de les défendre, malgré les conséquences pas toujours agréables qui peuvent en résulter;
- accepter comme normales les décisions qui doivent être prises à la majorité malgré le fait qu’il ait luimême à voter pour ou contre les autres;
- être capable de critique, quand cela s’avère nécessaire, mais le faire d’une façon constructive et, si possible, en suggérant des alternatives;
- être en mesure de faire en sorte que les désaccords et les controverses restent non personnalisés et,
- avoir à coeur la promotion de l’unité.
Ces habilités peuvent se résumer en quelques mots : bonne foi, compétence, honnêteté et loyauté. Le Conseil d’administration devrait constituer en fait une équipe. Or, une équipe est formée de personnes ayant des habilités et des compétences différentes et complémentaires.
De plus, il est également impératif de rappeler que la fonction d’administrateur n’existe que lorsqu’une personne est en réunion avec ses collègues administrateurs. Cela veut clairement dire qu’en dehors des réunions officielles, l’administrateur n’a plus aucun pouvoir découlant de son titre d’administrateur, sauf si le Conseil d’administration lui a confié explicitement, généralement par écrit sous forme de résolution, un mandat à exécuter pour et au nom de l’organisation.
Cependant, il y a une exception à cette affirmation. Même si la personne n’a aucun pouvoir ou droit entre les réunions, elle continue cependant à être perçue par la communauté comme représentant, dans une certaine mesure, les valeurs véhiculées par cette organisation. Ses actes personnels auront indirectement un impact sur l’image de l’organisation dont elle est administratrice. Un administrateur doit donc constamment se rappeler que les autres porteront un jugement positif ou négatif sur cette organisation selon ce qu’ils déduiront de son comportement, d’où une responsabilité accrue pour les administrateurs.
La représentation Tout Conseil d’administration assume une fonction de représentation dans le cours de son existence (4) La représentation consiste en l’action de représenter quelqu’un ou quelque chose en vue d’en faire valoir la valeur et le mérite. C’est principalement ce que les administrateurs qui représentent un milieu, un territoire, une expertise croient être leur rôle, ce qui est tout à fait louable puisque leur expertise sert à alimenter les discussions, les échanges lors des réunions du Conseil d’administration.
Cependant, la représentation peut s’analyser selon six (6) angles différents :
a) l’administrateur qui représente ses électeurs au Conseil d’administration;
b) l’administrateur qui représente le Conseil d’administration auprès de ses électeurs;
c) le Conseil d’administration qui représente lui‐même l’ensemble de l’organisation devant la société en général;
d) l’organisation, via la voix d’une personne désignée, qui fait des relations publiques;
e) l’organisation, via la voix d’une personne désignée, qui fait des relations gouvernementales;
f) la collaboration.
La fonction de représentation couvre tous ces aspects et pour chacun d’eux, il est prudent qu’un Conseil d’administration se donne une politique encadrant la manière dont pourra être conduite l’activité de représentation.
Nous nous attardons, dans cette chronique, plus particulièrement à deux (2) angles, la prochaine chronique complètera les autres angles :
a) l’administrateur qui représente ses électeurs au Conseil d’administration Ce premier sens de la représentation est important. Tout Conseil d’administration doit s’assurer qu’il agit dans l’intérêt de tous les membres et chacun des administrateurs apporte avec lui les caractéristiques de son milieu, sa connaissance des membres et son collège électoral et les motivations qu’ont ces membres d’adhérer à l’association. Cette fonction essentielle ne doit pas être ignorée. En tenir compte est primordial pour le bon fonctionnement d’un Conseil d’administration dynamique puisque la richesse de ses débats sera fonction de la connaissance qu’ont les administrateurs des membres ou de leurs commettants.
L’administrateur, dans ce rôle de représentation, ne doit jamais oublier qu’il a le devoir fondamental de prendre d’abord et avant tout les intérêts de l’organisme dont il est administrateur, avant même les intérêts particuliers de ses électeurs. C’est pourquoi on n’utilise généralement pas le terme « représentant » pour désigner un administrateur, mais bien le terme de « personne issue de tel ou tel collège électoral » ou une « personne élue ou nommée par tel ou tel collège électoral ».
Il n’en reste pas moins que nous ne pouvons pas occulter le fait que tout administrateur, dans une certaine mesure, « représente » la mentalité, les espoirs, les besoins d’un segment déterminé du membership ou des commettants de l’organisation et qu’il a été élu précisément parce qu’il était en mesure de bien refléter cette mentalité, ces espoirs ou ces besoins. Et il est important que le Conseil d’administration n’oublie pas cette réalité. C’est son véritable lien avec le concret, le vécu de ses commettants. Il doit en tenir compte, même si parfois des intérêts supérieurs feront qu’il devra en tenir compte seulement dans une certaine mesure.
De toute façon, le Conseil d’administration devra rendre des comptes de son administration à ces mêmes commettants et les administrateurs devront se faire réélire éventuellement. La richesse d’un Conseil d’administration vient précisément de cette diversité de ses administrateurs et de leur capacité de refléter adéquatement les besoins des membres et l’administrateur doit se sentir à l’aise de « représenter » ainsi ses électeurs, le tout dans le respect de la loyauté envers l’organisation (5) et des politiques du Conseil d’administration.
b) l’administrateur qui représente le Conseil d’administration auprès de ses électeurs
Ce type de représentation est le revers de la médaille de l’angle précédent. En effet, l’administrateur est le lien entre le Conseil et ses commettants. Il doit donc être en mesure d’expliquer à ceux‐ci les prises de position et les décisions du Conseil d’administration dans le respect de l’esprit d’équipe (6).
Soulignons ici que l’attitude de l’administrateur aura un impact majeur sur la réaction des membres (ou commettants) face aux décisions d’un Conseil d’administration. L’administrateur qui est peu loyal, ou qui a peu le sens de l’équipe, présentera les décisions comme ayant été prises à son instigation, cherchant ainsi à s’attirer le crédit des « bonnes » décisions; par contre, pour les décisions avec lesquelles il n’était pas ou peu d’accord, il fera en sorte de présenter les choses qui le « blanchissent » aux yeux des intéressés.
L’administrateur loyal et honnête sait mettre en perspective les décisions prises et surtout est capable de prendre les mérites qui lui reviennent comme il est apte à donner aux autres administrateurs le crédit de l’implication. De cette façon, il se grandit lui‐même en faisant progresser toute l’organisation.
Conclusion Considérant ces deux angles de la représentation, nous pouvons donc conclure qu’il est impératif que les électeurs ou le collège électoral, prennent en considération la responsabilité et le rôle de l’administrateur qu’ils ont élu ou nommé de même qu’il est primordial que le Conseil d’administration porte une attention particulière au rôle que l’administrateur élu ou nommé doit jouer.
Pour en savoir plus sur les rôles du représentant et la représentation, vous pouvez vous procurer le livre La Gouvernance et le Conseil d'administration, aux éditions D.P.R.M. par Roméo Malenfant, Ph.D. Ce livre est disponible à partir de notre Boutique en ligne.
(1) McClingtock, Nora (2004). Comprendre les bénévoles canadiens : manuel d’utilisation de l’Enquête nationale sur le don, le bénévolat et la participation de 2000 pour bâtir votre programme de bénévolat. Centre Canadien de Philanthropie & Bénévoles Canada, 44 p.
(2) MALENFANT, Roméo. Les Guides pratiques pour une Gouvernance Stratégique®. Guide no.5 Les administrateurs, p.19.
(3) MALENFANT, Roméo. Les Guides pratiques pour une Gouvernance Stratégique®. Guide no.2. Comprendre votre Conseil d’administration en 20 réponses, p.17.
(4) MALENFANT, Roméo. La Gouvernance et le Conseil d’administration (Le modèle de Gouvernance Stratégique)®. Éditions D.P.R.M. 2009, p.47.
(5) Pratique 5 de la Gouvernance Stratégique® -La loyauté envers l’organisation transcende les intérêts des groupes d’où sont issus les administrateurs.
(6) Pratique 4 de la Gouvernance Stratégique®- Le Conseil forme un tout indivisible, une équipe.
Mme Monique Gagné, caé, est cofondatrice et présidente de Société de conseil OSBL + inc. Elle donne des sessions de formation en gouvernance et accompagne les administrateurs et dirigeants d’OSBL depuis 1995. Mme Gagné est accréditée en Gouvernance stratégique ® par Roméo Malenfant, Ph.D., et possède une formation en gestion des OSBL de l’UQAM.
Publication avril 2010