Au cours normal de leurs affaires, les associations détiennent un ou plusieurs comptes bancaires dans le but d’effectuer diverses transactions comme le paiement des fournisseurs et des salaires des employés, le dépôt des sommes reçues, etc.
La plupart des déboursés se font par le biais de chèques émis par l’association sous la signature d’une ou de deux personnes mandatées à cette fin. Souvent, il s’agit d’administrateurs, dont le président et le trésorier, ou le directeur général et le comptable. A la fin du mois, les règles comptables nous enseignent de procéder à la conciliation bancaire. Afin de faciliter ce travail, les institutions financières offrent aux associations de leur retourner les effets bancaires. Lorsque l’association accepte cette offre, elle signe un document autorisant l’institution bancaire à lui retourner tous les chèques et autres effets de commerce ayant été tirés du ou des comptes de banque au cours d’une période donnée.
Or, nous avons tous déjà entendu parler d’histoires relatant des situations où un organisme s’est vu détrousser de sommes d’argent, parfois importantes, par ses propres employés ou personnes de confiance.
Une de ces histoires a été amenée devant les tribunaux et a fait l’objet d’un jugement de la Cour d’appel du Québec (1). La décision rendue revêt de telles conséquences dans le quotidien d’un organisme, que nous croyons nécessaire d’en rapporter les faits.
Il s’agit d’une entreprise qui, par le biais de son comptable, a procédé à l’ouverture d’un compte auprès d’une succursale d’une Caisse Populaire. La seule personne autorisée à signer les chèques de l’entreprise était son président. Le comptable était quant à lui le seul autorisé à recevoir mensuellement les divers relevés, les chèques et les bordereaux retournés par la Caisse.
Le contrat signé à l’ouverture du compte contenait en effet une clause intitulé « Vérification de compte ». C’est par cette clause que la Caisse s’engageait à remettre régulièrement (ici, chaque mois) tous les chèques et autres effets de commerce, et se dégageait ainsi, après un délai de 30 jours suite à la réception de ces envois, de toute responsabilité quant à la régularité de ces « écritures ». Ainsi, un client ne s’étant pas plaint au cours de ces 30 jours était considéré, à l’expiration de ce délai, comme ayant admis la régularité des transactions écrites.
Au cours des 15 mois suivant l’ouverture du compte, le comptable a forgé la signature du président et a tiré en sa faveur un total de 142 chèques, pour une somme de près de 80 000$. Évidemment, il ne s’est jamais plaint d’irrégularités auprès de l’institution, étant le seul mandaté à recevoir les bordereaux de la Caisse! Ce n’est donc qu’après 15 mois « d’activité » qu’on s’est aperçu de sa fraude.
Appelé par le président à rembourser le montant détourné, car n’ayant pas détecté la signature forgée, la Caisse Populaire a refusé de s’exécuter en alléguant qu’elle n’avait jamais été informée d’irrégularités et ce, malgré l’envoi des copies de chèques et des relevés. La Caisse appliquait donc la règle évoquée à la clause mentionnée ci‐haut, stipulant que l’absence de plainte par le client équivalait à l’admission de la régularité des chèques encaissés.
La Cour d’appel a statué que bien que la clause n’était pas un « modèle de clarté », l’intention pouvait quand même en être déduite : il s’agissait de mettre en place une procédure visant à faire la vérification régulière du compte bancaire. La Cour d’appel confirmait la validité de telles clauses de vérification de comptes bancaires.
Selon la Cour, le président de l’entreprise n’a pas fait preuve de grande prudence : non seulement a‐t‐il confié la tâche de vérification du retour des chèques à une seule personne, son comptable, mais de plus, il n’a jamais cru bon, pendant plus d’un an, de procéder lui‐même à une certaine « surveillance » des entrées et sorties d’argent. La clause existante au contrat liant la Caisse et l’entreprise limitant à 30 jours après réception des chèques le délai pour se plaindre d’une irrégularité dans les signatures, et puisque personne ne s’était plaint dans ce délai, aucun recours du président contre la Caisse populaire n’était alors possible.
Nous déduisons de ce jugement qu’en l’absence d’une telle clause ‐ qui implique que la Caisse ne retourne pas régulièrement les chèques tirés du compte de l’entreprise – le recours aurait eu plus de succès. En effet, lorsqu’aucune disposition spécifique n’existe, ce sont les règles de la Loi sur les lettres de change qui reçoivent application. Ainsi, dans un cas comme celui faisant l’objet du jugement, le président aurait bénéficié d’un délai d’un an à partir de la découverte de la fraude pour intenter son recours contre l’institution bancaire.
Conséquemment, à la lumière du jugement, nous estimons que certaines réflexions peuvent interpeler les gestionnaires et administrateurs des organismes, à savoir :
Par la suite nous suggérons de mettre en place une procédure qui tienne compte des limites et des contraintes imposées par la convention, si elle existe. Ainsi, conscientisé à ces réalités, l’organisme prendra la décision la plus éclairée et la plus appropriée à ses besoins.
(1) (1) Productions Marc Blandford Inc. c. Caisse Populaire St‐Louis de France, 2000, CanLII 10274 (QC C.A.)
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